Passerelle sur la Scarpe

Arras (62), France | 2019


Rôle | Maîtrise d’œuvre complète, architecture et structure

MOA | Communauté Urbaine d'Arras

Structure | Double pont à béquille

Longueur | 44m

Portée principale | 22m

Matériaux | Acier, tablier béton

Budget | 1,3 M€ (2017)

Jean-François Blassel Architecte

SPAN

Freyssinet | Viry Fayat | Eurovia

En chiffres

Passerelle piétonne de 44m de long, 3,5m de large.

Structure mixte acier / béton. Épaisseur du tablier : 15cm. Hauteur statique de la poutre treillis : 1,3m.

Structure en bipoutre avec structure sur le tablier, travées balancées sur des béquilles intermédiaires. Portées de 11, 22 et 11m.

Fonctionnement de l’ouvrage

La passerelle est une structure mixte acier-béton, constituée d’une dalle en béton armé qui sert de tablier et de deux treillis latéraux, situés de part et d’autre du tablier béton, dans la hauteur des garde-corps. La structure de franchissement ainsi formée est une poutre retroussée en forme de « U » dont la membrure inférieure est le tablier en béton. Sa membrure supérieure est constituée de deux ronds en acier qui font aussi office de main courante. L’âme de la poutre est formée par des barres carrées en acier diagonales disposées dans la hauteur du garde-corps. Les parties métalliques sont assemblées par soudure, la liaison acier-béton est assurée par des connecteurs, à la façon d’un pont bipoutre conventionnel.

La poutre en « U » porte sur trois travées définies par les deux culées et deux appuis en béquille encastrées en tête et articulées en pied. Les appuis en béquille sont disposés de façon que les portées intérieures et extérieures soient équilibrées. Cette disposition permet de maintenir les travées en encorbellement depuis les béquilles, pour obtenir une compression de la membrure inférieure en béton, et une traction de la membrure en acier.

Plus en détail

La passerelle au nord d’Arras doit permettre aux piétons de franchir la Scarpe, entre le chemin de hallage au nord, et un plateau arboré au sud, situé environ 4m plus haut. Le franchissement doit aussi respecter le gabarit de navigation, pour permettre un jour aux péniches de circuler sur le canal. L’ouvrage doit être accessible à tous les usagers, ce qui signifie que les pentes doivent être les plus faibles possibles. La réponse que nous apportons est la création d’un sol continu, qui s’élève doucement depuis le chemin, trouve son apex au-dessus de la rivière, et redescend progressivement vers le plateau arboré.

La partie qui s’élève doucement depuis le chemin est constituée d’une rampe en pente. La partie qui franchit la rivière est constituée d’une poutre, appuyée de part et d’autre sur des culées.

Lorsqu’une poutre simple fléchi, sa partie supérieure est comprimée, et sa partie inférieure est tendue. La plupart des ponts dit « bi-poutre » fonctionnent selon ce principe. Les poutres latérales en acier, qui travaillent bien en traction, sont situées dessous, et le tablier en béton, qui travaille bien en compression est situé dessus. La plupart du temps ces poutres sont des I, à âme pleine.

Dans notre cas, l’ouvrage à construire n’est pas un pont, mais une passerelle piétonne, qui franchit une petite rivière, dans un site paysager. La légèreté et la transparence s’imposent donc, pour ne pas superposer une grande poutre inférieure, un épais tablier, un garde-corps et son remplissage. L’idée première est donc de combiner la poutre structurelle et le garde-corps, et de l’ajourer au maximum : économie de matière, et surtout réduction drastique de l’épaisseur à imposer à travers le paysage. Pour que ce schéma fonctionne, il faut donc que la poutre structurelle se trouve en partie supérieure.

La première moitié du tablier en cours de pose sur ses appuis temporaires met en évidence le fonctionnement de l’ouvrage, avec une membrure supérieure tendue.

En outre, le but de notre ouvrage est de franchir la Scarpe en libérant un tirant d’air suffisant. Toute structure disposée sous le tablier augmenterait donc la hauteur à atteindre pour l’ouvrage, et donc la longueur de la rampe. Il est donc crucial pour minimiser l’impact sur le site environnant, de placer la structure au-dessus du tablier.

Le tablier en béton est en bas, et la poutre en acier est en haut. Il faut alors s’écarter du schéma traditionnel de poutre simple, pour aller vers un schéma qui garantisse un effort de traction en permanence dans la poutre supérieure, et un effort de compression dans le tablier inférieur. Pour cela, la longueur totale du franchissement a été recoupée en soutenant le tablier à l’aide de béquille. La disposition d’un appui intermédiaire au milieu d’une poutre engendre un moment négatif à cet endroit : la poutre ne peut plus fléchir au point d’appui, ce sont ses deux extrémités qui fléchissent. Le schéma initial est donc inversé, la partie basse est en compression, et la partie haute en traction. Les matériaux choisi (acier et béton) travaillent donc dans leur domaine d’emploi privilégié. Encore un point pour la légèreté et la finesse, le tablier ne fait que 15 cm d’épaisseur.

Mise en place des poutres métalliques dans le coffrage.

Pour éviter toute inversion des signes des efforts, la position des points d’appuis n’est pas choisie au hasard. Les béquilles recoupent la portée globale en son premier et dernier quart. Les travées sont donc balancées : 1/4 – 1/2 – 1/4 (11 m, 22 m, 11 m). Les piles sont ensuite inclinées, pour fonder leurs appuis sur les berges, et ne pas impacter la rivière.

Pour résister à des efforts horizontaux, et pour limiter les déformations de l’ouvrage, il est nécessaire de conserver une continuité du tablier. Toutefois, la membrure supérieure est interrompue à l’axe de l’ouvrage. L’inertie de la poutre en treillis est donc subitement réduite à celle du tablier seul, constituant ainsi une articulation. Le moment fléchissant est alors forcément nul au centre de l’ouvrage, garantissant que les efforts ne changent pas de signe le long de la poutre (la membrure haute est en permanence en tension, la membrure basse en compression).

Pose des demi-tabliers sur leurs appuis temporaires.

L’âme de la poutre est ajourée le plus possible. Les diagonales du treillis, nécessaires pour transférer les efforts entre les membrures supérieure et inférieure, sont disposées en fonction des besoins : elles sont denses vers les appuis, où les efforts de cisaillement sont maximums, et plus rares aux extrémités, où les efforts sont moindres.

Dans ce type de treillis, sans montants, certaines diagonales, inclinées dans le sens de la flexion globale, sont tendues. Les autres sont comprimées. Le choix est fait d’utiliser les sections les plus fines possibles, identiques pour chacun des deux fonctionnements. Les diagonales tendues sont donc dimensionnées pour reprendre la traction maximale qui s’applique sur elles. Pour les diagonales comprimées, la situation la plus préjudiciable est celle de l’instabilité de la barre par flambement. Afin de pouvoir utiliser la même section pour ces barres, il a été décidé de doubler les barres, ce qui permet de réduire l’effort de compression repris par chaque barre individuelle, et de connecter ces barres au centre à la diagonale tendu qui les croise. Ce point de jonction réduit la longueur de flambement par 2, ce qui rend ces barres comprimées très stables.

Détail du prototype. Les diagonales tendues sont de simples carrés de 30x30mm, les diagonales comprimées sont doublées.

La membrure haute du treillis est aussi dédoublée, pour limiter l’encombrement de la section, et réduire son impact visuel. La membrure intérieure fait office de main courante, la membrure extérieure permet de fixer la maille métallique de remplissage du garde-corps.

Aucun accessoire ni aucun réseau ne chemine sur la passerelle, celle-ci n’est donc dimensionnée que pour son usage de traversée de piétons.